Marco Horvat et Faenza

Photo Hervé de Wiliencourt

J’ai créé l’ensemble Faenza – du nom d’un célèbre recueil musical du début du XVe siècle, le Codex Faenza – en 1996, à l’origine afin de mettre en valeur le répertoire médiéval. C’est sur la base de ce recueil que fut donné notre premier concert à la Cité de la Musique (devenue Cité de la Musique-Philharmonie de Paris).

Les quatre années que je venais de passer en Inde pour étudier la musique carnatique avec mon maître Aruna Sairam avaient achevé de me convaincre qu’il est vain de chercher à reconstituer une tradition dont la chaîne de transmission de maître à élève a été brisée, ce qui est le cas pour le phénomène que nous nommons “musique ancienne”.

Avec Faenza, j’entrepris donc d’explorer les musiques de l’Ancien Régime en m’attachant à en retrouver l’esprit plus que la lettre : quel que soit notre degré de connaissance des sources historiques, nous ne pouvons faire autre chose que de réinventer à partir des traces trop souvent lacunaires léguées par les Anciens, qu’il s’agisse de partitions, de traités, de sources littéraires ou encore de documents iconographiques.

Dès nos premières productions, j’ai interrogé le rapport entre textes parlés et textes chantés, notamment à travers l’exploration de l’œuvre de notre plus grand poète-musicien, Guillaume de Machaut. L’ensemble s’étant progressivement spécialisé dans les musiques du XVIIe siècle (actuellement le cœur de son répertoire), d’autres auteurs-compositeurs sont venus enrichir une galerie de portraits, dont Bellerofonte Castaldi et Charles Dassoucy constituent des exemples pittoresques. Cette approche centrée sur l’environnement social de la musique ancienne nous a conduits à nous orienter bien souvent vers le concert mis en espace et, parfois, vers le spectacle musical.

Quelle que soit la forme qu’aient prise nos représentations, l’essentiel de notre réflexion s’est concentré sur le rapport entre public et interprètes. De toute évidence, le formalisme du concert traditionnel, hérité du XIXe siècle, ne convenait en rien à des répertoires conçus dans et pour des cercles de convivialité dont nous avions perdu sinon la trace, du moins la pratique. Pour redonner aux musiques de l’intimité qui nous sont chères le pouvoir de toucher, il fallait réinventer des conditions de jeu qui tiennent compte non seulement du contexte originel de création, mais surtout du public devant qui nous étions amenés à interpréter ces pièces.

De cette réflexion sont nées des formes de concert interactives comme « Le Salon de musique », « Le Jeu des amants » ou « Les Quatre saveurs de l’amour », dans lesquelles nous créons du lien avec le public par le truchement du jeu, du récit, de la poésie ou des plaisirs de la table, en nous appuyant sur des dispositifs qui atténuent la séparation physique entre interprètes et auditeurs. Le succès de ces formes intimes, capables de toucher tout autant le public averti des festivals spécialisés que celui, plus large, des scènes pluridisciplinaires, nous a encouragés à créer une relation avec l’auditoire qui rompe avec le rapport traditionnel entre la scène et la salle. C’est ainsi que nous nous sommes intéressés au répertoire de la Foire, avec ses comédies à écriteaux, dans lesquelles le public chantait, et que nous nous lançons actuellement dans une recherche autour de la naissance de l’opéra-comique, qu’il soit en vaudevilles ou mêlé d’ariettes.

Pour développer une telle approche, nous avons réuni une équipe de musiciens accomplis et capables de passer de l’instrument au chant, du chanté au parlé, de l’entre-soi des “ baroqueux ” au dialogue avec le public. C’est grâce au compagnonnage précieux avec ces interprètes aux talents multiples ainsi qu’à l’échange permanent avec des chercheurs que nous pouvons mener un travail qui fait toujours la part belle à des textes, à des musiques et à des pratiques qui méritent d’être redécouverts.

Faenza est conventionné par la Région Grand Est et par le Ministère de la Culture et de la Communication DRAC Grand Est.

Marco Horvat
 

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