¡ Bien parado !

J’ai toujours aimé les points d’exclamation et d’interrogation espagnols, qui se mettent à l’envers au début des phrases interrogatives ou exclamatives.

¡ Je les adore ! ¿ Pas vous ?

Outre qu’ils permettent au lecteur de savoir à l’avance où il va dès le début de la phrase, ils sont pour moi à l’image d’une âme espagnole qui, de Cervantes à Almodovar, m’a toujours semblé… renversante.

L’Espagne, je la côtoie depuis l’enfance. Elle est venue s’installer dans mon foyer quand je n’avais que neuf mois, sortie des valises d’Angela, une jeune femme de trente-et-un ans qui quittait pour la première fois son pays natal pour venir travailler en France.

Angela, qui aurait aujourd’hui quatre-vingt-quatorze ans, est devenue pour moi une seconde mère. Elle m’a appris l’espagnol au berceau et m’a emmené tous les étés au Puerto de Sagunto, une petite ville ouvrière de la province de Valence, où je passais des semaines de vacances comme en famille.

Angela & Marco - Photo de Frank Horvat (Paris, 1963)


Ce n’est donc pas par hasard que mes plus proches collègues de travail au sein de Faenza – Olga Pitarch et Francisco Mañalich – sont hispaniques, et que l’envie m’habite depuis bien longtemps de travailler à un programme de musique espagnole.

Ceux qui me connaissent de longue date s’étonnent de me voir aborder un répertoire aussi “tardif” que celui du XIXe siècle. Il fut un temps, en effet, où je considérais la musique du XVIIIe siècle comme de la science-fiction et que je considérais l’art musical entré en décadence ¡ à partir du … XIVe siècle !

Il faut croire que certains tempéraments sont susceptibles de s’assouplir en vieillissant…

Une fille qui se consacre au répertoire lyrique, l’acquisition d’une magnifique copie de guitare romantique pour pouvoir l’accompagner dans Schubert, la découverte d’un immense et passionnant répertoire dont j’ignorais tout ainsi que l’envie ancrée en moi depuis bien longtemps de travailler à nouveau avec la danse… ont fait le reste.

Dans la première décennie du XIXe siècle, l’Espagne connaît des bouleversements politiques intenses sous le joug napoléonien, incarnés tragiquement par les massacres de 1808, que Goya a dépeints de façon poignante dans son très célèbre tableau intitulé « Tres de Mayo ».

De nombreux artistes – musiciens et danseurs – ont alors quitté la péninsule ibérique pour s’installer ailleurs, notamment à Paris. Certains d’entre eux, comme Fernando Sor, étaient d’ailleurs militaires. Cette diaspora espagnole a fortement contribué à la “guitaromanie” qui s’est emparée des milieux musicaux de toute l’Europe ainsi qu’à un goût durable du public parisien pour la danse espagnole, dont l’écrivain Théophile Gautier fut l’un des plus ardents défenseurs.

Aborder la musique romantique comme une terre inconnue – comme nous le faisons avec les répertoires oubliés des XVIIe et XVIIIe siècles – est une expérience singulière et enthousiasmante, de même que le travail avec un danseur comme Jaime Puente, rompu au répertoire de la Escuela Bolera, tradition très vivante en Espagne mais peu connue de l’autre côté des Pyrénées.

Le fait d’y travailler avec mes plus proches collègues, et même en famille – puisque mes deux enfants participent à cette création –, donne à cette expérience une saveur incomparable.

Nous voilà donc embarqués sur un petit vaisseau qui fait route vers notre prochaine étape, la création de « ¡ Bien parado ! » dans le beau théâtre de Saint-Dizier, le 9 février prochain.

¿ Quelle est la signification de ce « ¡ Bien parado ! », me direz-vous ?

C’est par cette exclamation joyeuse que le public saluait la fin d’une seguidilla, chantée et dansée au son des guitares et des castagnettes, alors que danseurs et musiciens venaient de suspendre leur jeu de façon parfaitement synchronisée. C’est ce que criera à plusieurs reprises, je l’espère, le public nombreux qui a réservé sa place pour la première du spectacle.

¡ Venez vous aussi nombreux ! 

Distribution
Clélia Horvat : chant et violoncelle
Francisco Mañalich : chant, danse et arpeggione
Olga Pitarch : chant, danse et castagnettes
Jaime Puente : danse et castagnettes
Marco Horvat : guitare romantique
Massimo Moscardo : guitare romantique et guitare « terzina »

Scénario et mise en espace : Marco Horvat
Chorégraphie : Jaime Puente
Création lumière : Benjamin Martineau
Scénographie : Sévil Grégory
Créations sonores : Gabriel Horvat
Arrangements musicaux : Massimo Moscardo et Marco Horvat
Collaboration artistique et administration de production : Alexandre Verbrugghe

Musiques
Antonio Albanese (1728 - 1803)
Dionisio Aguado (1784 - 1849)
Ferdinando Carulli (1770 -1841)
Manuel Garcia (1775 - 1832)
Johann Kaspar Mertz (1806 - 1856)
Esteban Moreno ( ? - ? )
Federico Moretti (1765 - 1838)
Narciso Paz (ca 1750 - ?)
Fernando Sor (1778 - 1839)

Textes
Théophile Gautier : Voyage en Espagne (1843) et L’Art dramatique en France (1837)
Maréchal Jourdan : Mémoires
Georgette Ducrest : Mémoires sur l’Impératrice Joséphine, ses contemporains, la cour de Navarre et de la Malmaison (1826)
Baron Maldà : Journal
Fernando Sor : Article « Le Boléro » dans l’Encyclopédie pittoresque de la musique (A. Ledhuy et H. Bertini, Paris, 1835)
Pierre Yves Barré et Jean Baptiste Radet : Le procès du fandango ou la Fandangomanie, comédie-vaudeville (1809)

Merci à Brian Jeffery pour les échanges fructueux autour de ce répertoire et son précieux travail d’édition à www.tecla.com.

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