Faenza vous souhaite une très belle année 2028 !
Fragiles équilibres …
Comme chaque année, au moment de lancer avec optimisme des vœux de bonheur, de santé, de prospérité, je me sens partagé.
En effet, j’ai beau me forcer, j’ai beau me soigner : je ne suis pas un optimiste.
Alors, sembler convaincu que la nouvelle année, par le simple fait qu’elle change de millésime, ait des chances d’être bien meilleure que la précédente, que personne parmi les amis ou la famille ne mourra ou ne tombera malade ; que les guerres, les violences, la haine et la bêtise seront jugulées pour un an ; que la destruction de l’environnement sera ralentie, voire stoppée, en même temps que l’avidité toujours croissante de nos semblables ; que l’écologie, la culture et l’éducation seront enfin au centre de nos politiques de développement ; que chacun aura la possibilité de s’investir dans un métier qu’il pourra pratiquer de son mieux, dans l’amour du travail bien fait ; que nos partenaires de travail seront enfin fiables et honnêtes ; qu’on pourra être reconnu pour son talent même si on n’a pas un physique avantageux ; qu’une jeune femme pourra se promener tranquillement dans le métro sans craindre pour son intégrité ; que mes enfants, mes amis, mes collègues, seront assurés de ne pas se faire défigurer à coups de batte de base-ball un 25 décembre pour quelques euros et une bouteille thermos … c’est un peu au-dessus de mes forces.
Le souhaiter, oui, bien sûr ; l’imaginer, peut-être ; mais y croire ? Comme le dit ma fille, « je peux toujours faire semblant » – comme nous le faisons tous – mais cette année j’ai du mal, je l’avoue.
C’est pourquoi je me propose de vous souhaiter à tous une excellente année … 2028. Déjà parce que, si nous arrivons les uns et les autres jusque-là, ce sera déjà une bonne nouvelle ; ensuite parce que, dix ans, c’est à peine le temps qu’il faut pour monter un projet sérieux : apprendre à jouer d’un instrument, faire des études de médecine, donner de bonnes bases à un enfant, peaufiner une œuvre littéraire, redresser une société ou une institution en péril, fidéliser le public d’un nouveau festival ou d’une salle de spectacle, donner du poids à une association d’utilité publique, réformer l’enseignement, dessiner un véritable projet culturel, rendre viable un projet d’exploitation agricole, restaurer un château, ordonner un jardin, s’implanter durablement dans une région …
En attendant, je vous propose de méditer un peu sur cette belle notion de fragilité. Nos organismes sont fragiles, la vie sur notre terre est fragile, un couple est fragile, un bébé est fragile, le cristal est fragile, tous les équilibres sont fragiles, nos projets artistiques sont fragiles, qui reposent sur des artistes fragiles, aux voix et aux instruments fragiles …
Fragiles et précieux.
Car ce qui est fragile est aussi très souvent, paradoxalement, précieux. Acceptons alors que ce qui constitue « le maillon faible » de nos entreprises et de nos vies constitue aussi leur point fort. La fragilité d’un projet ou d’un être n’étant souvent que le corollaire de sa préciosité.
Ce mot de préciosité est, lui aussi, est à double tranchant : comble du ridicule pour certains, sommet de l’échelle des valeurs pour d’autres. Dès lors que les objets, les systèmes et les notions sont complexes, ils se prêtent à des clefs de lecture parfois complètement opposées. A nous d’y être attentifs.
De mon côté, je prends pour 2018 la bonne résolution de me servir de mon pessimisme pour optimiser et pour coordonner, cette année, mes projets et ma vie. Prudence et lenteur autant qu’audace et détermination me seront bien utiles pour mener à bien les objectifs de Faenza : la sortie de notre CD Le Délire des lyres, la redécouverte de l’œuvre musicale de Charles Dassoucy, la recherche d’un nouveau lieu de résidence pour l’ensemble, l’organisation de la première tournée en péniche sur les voies navigables du Grand Est (Le Salon itinérant), la préparation de notre grand spectacle pour acrobates sur un canevas du Théâtre de la Foire, etc.
Trouver des mécènes, convaincre les institutions et les partenaires, garder le cap malgré les réductions constantes des budgets des collectivités et des équipements culturels tout en gardant intact son potentiel d’émerveillement, d’optimisme, de naïveté, suprême fragilité qu’il nous faudra protéger avec un soin tout particulier d’ici à 2028, si nous voulons toujours être là pour vous souhaiter la bonne année.
Après le sermon, la quête : « à votre bon cœur, m’sieurs-dames ! » Le mécénat ne concerne pas que les entreprises et vous devriez pouvoir, vous aussi, optimiser vos impôts en nous soutenant de vos dons, déductibles à 66% pour les particuliers. Nous aurions tous tort de nous en priver…
Allez, assez ri : une très belle année 2018 à vous tous !